L'odeur
de chlore commençait
sérieusement à me déranger. Je mis le pied au sol comptant sur le
calmant pour m'aider à marcher un peu mais c'était peine perdue. Je
me rendis donc à l'escalier en sautant à cloche pied.
Je venais
de gravir la première marche lorsque l’on
sonna à la
porte.Je dus redescendre pour ouvrir.
-
Salut! Me lança Lewën.
-
Que fais-tu là ?
-
Je me demandais comment tu allais !
-
Et les cours ?
-
Mince, complètement oublié ironisa-t-il. Pas trop mal ?
-
Tant que je pose pas le pied, c'est supportable.
-
Tant
mieux ! Euh, ça doit être gênant quand même.
-
Oui. Ça te dérange si je monte me doucher vite fait ? J'ai horreur
de sentir le chlore.
-
Non, non, vas-y.
-
Je vais te laisser.
-
Lewën ?
-
Oui?
-
Tu ne veux pas rester un peu ?
-
Si c'est ce que tu veux.
-
Oui. Dis-je en souriant. Fais comme chez toi en attendant.
-
Merci.
En arrivant dans le hall, je sentis une délicieuse odeur de chocolat. Je me dirigeai en sautillant vers la cuisine.
Lewën se retourna au moment ou je pénétrais dans la cuisine. Il avait vraiment une très bonne ouïe car j'excellais dans les déplacements discrets. Don que j'avais développé plus jeune quand je voulais finir d'écouter le film du soir ou espionner les conversations de grands comme disaient mes parents.
-
J'ai fait du chocolat !
-
Humm
très bonne idée. Il doit y avoir des biscuits dans le placard. On
va dans le salon, on sera mieux.
-
Ok !
-
Qu'est ce que le médecin a dit ?
-
Entorse !
-
J'espère que ça va vite guérir c'est très handicapant.
-
Il faut lui laisser le temps. Me dit-il en écartant l’une de mes
mèches blondes tombée
devant mes yeux.
-
Tu as froid ? S'inquiéta-t-il.
-
Non, répondis-je doucement. Juste un frisson.
-
Merci.
-
De rien. Dis-moi…
reprit-il. Comment as-tu fait
pour tomber ?
-
Je...euh...aucune idée. Une maladresse.
-
Ça te dit de regarder un film ? Dis-je maladroitement pour changer
de sujet.
-
Pourquoi pas ! J'ai toute ma journée de libre.
-
Quel genre de film aimes-tu ?
-
Tout sauf les niaiseries du genre Titanic ou Roméo et Juliette.
-
Ok, pas de comédie romantique alors ! Horreur ?
-
Ok.
- Tu es certaine de vouloir regarder ce film ?
- Oui, t'inquiète.
Il leva son bras et m'invita à venir me blottir contre lui. J'hésitai puis finalement me collai à lui, après tout, il m'offrait simplement un peu de réconfort face à certaines scènes. J'attrapai l'assiette de biscuits et la posai sur ses genoux, mis ma tête sur son torse et ramenai mes jambes près de moi sur le canapé pour les glisser sous la couverture. Ma cheville m'élançait mais je parvins à trouver une position pour que la douleur se calme.
Lewën rabattit son bras sur la mien laissant tomber sa main sur moi. Sa chaleur se propagea en moi et je me sentis bien. Alors qu'il dégustait tranquillement les gâteaux, je passai mon temps à ouvrir et à refermer les yeux. À un moment, le monstre apparut par surprise et un cri s'échappa de ma gorge alors que je tournais le visage vers sa poitrine en me cachant d'une main. Lewën me caressa doucement le dos.
- J'ai fait pause.
Je relevai la tête vers lui et lui souris légèrement rosie par la honte. Je savais bien qu'un tel film allait me ridiculiser. Il baissa sur moi les yeux. Et pendant un instant, je crus qu'il allait m'embrasser, mais il n'en fit rien à mon grand regret. Au lieu de ça, il se pencha pour déposer l'assiette sur la table et se leva.
- On devrait changer de film !
- Mais tu n'as pas vu la fin ?
- Pas grave, je pourrai peut-être te l'emprunter un de ces quatre.
- Que veux-tu faire ?
- Il va bientôt être midi, ça ne va pas gêner ta mère que je sois là ?
- Non, ne t'inquiète pas. Je pense qu'elle t'aime bien.
- Oh ! Tant mieux alors, elle ne me tiendra peut-être pas rigueur d'avoir séché les cours.
Je lui souris bêtement et repris.
- Elle va sûrement pas tarder, on pourrait peut-être préparer le repas pour ce midi, enfin ...si tu veux bien manger avec nous.
- Avec plaisir.
Nous passâmes tous les deux à la cuisine et regardâmes ce qu'il était possible de faire.
- On pourrait faire un gratin, qu'en dis-tu ?
- Pourquoi pas.
- Tu aimes les légumes ?
- Oui, j'adore ça.
Nous préparâmes alors notre plat mais au moment de mettre le fromage râpé sur le dessus, il n'en restait pas suffisamment.
- J'en ai chez moi. Je reviens me dit-il.
- Ok, j'en profite pour faire le dessert.
Je pris de quoi faire une bonne mousse au chocolat et commençai à monter les œufs en neige quand j'entendis mon nom. J'arrêtai le batteur mais il n'y avait plus rien alors j'allai ouvrir la porte pour voir ce qui se passait.
Personne devant, mais la voix de Lewën me parvint et attira mon attention. Je regardai discrètement sur le côté de la maison et le vis. Il était face à la forêt mais ne parlait plus. Il tourna la tête vers moi et je ne pris pas le temps de savoir s'il m'avait vue et rentrai chez moi refermant la porte en m'y adossant. Ma cheville me faisait mal du fait que je m'étais appuyée dessus pour être plus discrète.
On frappa à la porte. C'était sûrement lui. Comment allait-il réagir s'il m'avait vue l'épier ? Et puis que faisait-il devant les bois ? Il était vraiment étrange parfois.
- Johanna, c'est moi dit-il de l'autre côté de la porte. Ouvre-moi, il fait vraiment froid tu sais.
Je fis face à la porte et l'ouvris. Son regard était au plus sombre possible et il tenait dans ses mains le sachet de fromage qu'il était parti chercher. Je lui fis signe d'entrer. J'attendais qu'il me dise qu'il m'avait vue mais il n'en fit rien. Nous finîmes de préparer le repas pile à temps pour l'arrivée de ma mère.
- Humm ça sent divinement bon ici ! Lança ma mère en entrant.
- On a cuisiné lui dis-je de la cuisine.
- On ?
- Oui, Lewën est passé !
- J'ai une faim de loup. Bonjour Lewën. Le salua-t-elle en nous rejoignant à table.
- Bonjour.
- Je t'ai pris des béquilles pour que tu puisses aller en cours demain sans forcer.
- Génial ! Merci Maman.
- De rien.
Le gratin fut une réussite. Lewën passa le début de l'après-midi avec moi. Nous fîmes quelques jeux de société, puis vers quatre heures il rentra chez lui.
Je montai donc dans ma chambre afin d'y avancer mes devoirs.
Mon portable sonna.
- Allô !
- C'est Stella, tu te sens comment ?
- Très bien merci.
- Tu seras là demain ?
- Oui pourquoi ?
- Oh pour rien. Je suis avec les garçons, et ils étaient inquiets.
- Les garçons ?
- Oui, Erwan et Marin.
- Rassure-les, je vais très bien et je serai en cours demain matin !
Nous continuâmes à bavarder. Stella était si bavarde que j'entrepris de m'asseoir devant ma fenêtre pour observer dehors en même temps.
- J'ai eu Méloé. Elle est encore malade, mais le médecin a dit qu'elle pourrait reprendre les cours dès lundi.
- Tant mieux.
- Je pensais qu'on pourrait peut-être lui rendre visite dimanche qu'en dis-tu ?
- Je dois prévenir ma mère mais je ne pense pas que ça la gênera.
Je vis par la fenêtre Lewën sortir par la porte de derrière chez lui et se diriger vers la forêt. Il s'arrêta un moment et regarda en direction de chez moi, sans pour autant lever la tête vers ma chambre. Il fallait absolument que je l'empêche d'entrer dans les bois. Il y avait quelque chose là-bas de dangereux.
- Stella ! Je suis désolée, je dois te laisser. À demain ! Dis-je en raccrochant.
Je mis mon manteau et l'une de mes bottes et descendis dans les escaliers avec prudence pour rejoindre Lewën avant qu'il ne soit trop avancé dans les bois pour m'entendre. Je faillis glisser à plusieurs reprises, je ne maitrisais pas vraiment les béquilles encore, mais fis preuve pour une fois d'équilibre.
Quand je fus dans son jardin, il n'était plus là. Évidemment, je n'étais pas des plus rapides avec cette fichue entorse. Je suivis ses pas dans la neige jusqu'à la barrière ouverte donnant comme chez nous sur la forêt.
- Lewën appelai-je de toutes mes forces. Lewën reviens !
Pas de réponse. Je ne savais pas comment faire. D'un côté, j'avais l'interdiction de pénétrer dans cette forêt et la trouille bleue de croiser ceux qui m'appelaient mais d'un autre côté, je ne pouvais pas le laisser seul affronter ce qui s'y cachait.
Je pris mon courage et suivis doucement les empreintes en faisant le moins de bruit possible. Les béquilles s'enfonçaient dans la neige, ce qui ne facilitait pas mon déplacement.
Je marchais pour la première fois de ma vie au travers de ces arbres dont on m'avait formellement interdit d'approcher et en cas de danger, je ne pourrais même pas partir en courant. Si ma mère apprenait ça, je serai puni pour le restant de mes jours.
Je ne savais pas si c'était le froid, ou la peur qui me faisait frissonner, mais je soupçonnai fortement mon angoisse. Le moindre petit bruit faisant avoir des ratés à mon cœur. Je faillis hurler en entendant une branche se briser et tomber non loin de moi. Les arbres étaient si rapprochés, que peu de lumière passait au travers, ce qui ne m'aidait pas à me sentir en sécurité.
Mais pourquoi ai-je mis les pieds ici ? J'étais prête à faire demi-tour mais quelque chose me retint par la capuche.
Je me mis à hurler et à me débattre pour me séparer de l'emprise de mon agresseur, donnant des coups avec l'une de mes béquilles. Quand j'y parvins, je me rendis compte qu'il ne s'agissait que d'une branche basse.
- Ouf quelle peur ! dis-je à voix haute comme si je parlais à quelqu'un.
Soit
la bienvenue chez toi Johanna.
Cette voix me gela le sang. Ce que je craignais le plus était en train d'arriver. Je m'étais moi-même jetée dans la gueule du loup, j'étais à la portée de ceux qui depuis tellement d'années tentaient de me faire entrer dans la forêt. Je reculai doucement ne voulant pas tourner le dos à cette chose qui m'appelait ni tomber à la renverse.
Non, ne t'en va pas Johanna, reste avec nous.
- Jamais. Criai-je en partant.
Je ne fis pas attention à la direction que je venais de prendre et quand je m'aperçus que je ne voyais plus les traces laissées par Lewën je fus prise de panique. Comment allais-je sortir d'ici ?
Johanna
tu es à nous maintenant.
Tu
ne peux plus repartir, alors viens, rejoins nous.- Non criai-je de plus bel. Lewën hurlai-je. Maman !
Une main m'agrippa et me força à me baisser. J'allais hurler mais je reconnu Lewën.
- Que fais-tu là ? Tu es vraiment inconsciente !
- Je...
- Chut me dit-il en me baissant un peu plus.
Tu as trouvé de l'aide Johanna mais il ne peut rien pour toi !
-
Que fais-tu là ?
me
demanda-t-il encore.
-
Je t'ai suivi,
je voulais t'empêcher de venir dans les bois!
-
Alors tu n'as rien trouvé de mieux que d'y entrer à ton tour alors
que tu peux à peine marcher.
-
Je...je voulais.
-
Bon, je dois te sortir de là et au plus vite.
-
Tu les entends aussi n'est-ce pas ?
-
Évidemment
! Mais ce n'est ni le lieu ni le moment d'aborder ce sujet.
Il
m'aida à me relever. J'eus beaucoup de mal à suivre son rythme.
-
Lewën, ralentis, j'arrive pas à
te suivre avec ça. Dis-je en lui montrant les deux béquilles.
-
Encore un petit effort !
-
J'en peux
plus. Dis-je en m'arrêtant.
-
Ok dit-il. Continue
à ton rythme droit devant, ne dévie
pas de chemin et ne te retourne pas !
-
Et toi ?
-
T'occupes pas de moi, dépêche-toi et rentre chez toi.
-
Lewën...
-
Si tu dois m'écouter une fois, alors c'est celle là. Johanna pars
maintenant. Il ne va rien m'arriver. File
!
J'entrepris de les ranger pour lui en attendant qu'il arrive. De toute façon, je devais m'occuper l'esprit.
Mon téléphone sonna.
-
Allô
!
-
Johanna où es-tu ?
-
...je suis chez Lewën. Je l'aide à vider ses cartons.
-
Tu en as encore pour longtemps ?
-
Il en reste encore plusieurs. Mange sans moi, Lewën va faire une
pizza.
-
D'accord. Mais ne rentre pas trop tard. Il y a cours
demain.
-
Promis.
-
Lewën ?
-
Que fais-tu là ? Tu devais rentrer chez toi !
-
J'étais inquiète pour toi.
-
Ce n'était pas la peine. Je t'avais dit
que tout irait
bien. Comment vas-tu ?
-
Mieux maintenant que tu es là.
-
Je parlais de ta cheville !
-
Elle a tenu le choc.
-
Je dois y aller, Maman
m'a demandé de ne pas rentrer trop tard
-
Ok.
-
Lewën, il faudra qu'on parle demain, j'ai beaucoup de questions à
te poser.
-
Je me doute bien que tu ne vas pas oublier
ce qui s'est
passé juste en te le demandant.
- Oh mon Dieu Lewën ! Que s'est-il passé ?
- Ne t'en fait pas, ce n'est rien. C'est pour ça que je ne voulais pas que tu me vois.
- Oui et bien je t'ai vu alors tu va t'asseoir et je vais m'occuper de toi.
- Ce n'est pas à toi de faire ça. Et puis ta mère t'attend.
- Peu importe ! Vas t'asseoir.
Pour ce que j'en avais vu, sa maison avait été construite sur les mêmes bases que la mienne c'est donc avec beaucoup de facilité que je me dirigeai vers sa salle de bain en espérant y trouver une armoire à pharmacie. J'y pris du désinfectant et des compresses ainsi que du sparadrap et du coton. Je voulais de l'eau mais Lewën n'avait pas de bassine. Je calai comme je pus le matériel pour pouvoir avancer et retournai ensuite auprès de lui. Il était dans la cuisine et se nettoyait en grimaçant.
- Retourne te mettre sur le canapé tout de suite. Tu ne vois même pas ce que tu fais!
- Johanna, tu n'as pas à faire ça.
- Si il y a une chose que tu dois écouter, alors c'est celle-ci lui dis-je. Tentant de répéter ce qu'il m'avait dit un peu plus tôt.
- Très drôle !
- Je sais. Vas t'asseoir.
Il prit de l'eau chaude dans un saladier et me rejoint. Je pris un morceau de coton et commençai à nettoyer les plaies de son si beau visage.
Lorsque je m'occupai de celle de sa joue, il grimaça surtout quand je mis dessus le désinfectant. Cette dernière semblait plus profonde que les autres. Une fois le visage soigné, je m'occupai de la grande éraflure de son bras. Lewën avait enlevé son pull ce qui m'aida.
- Enlève ton tee-shirt s'il te plaît.
- Je vais le faire moi-même.
- Ne fais pas ton timide, je t'ai déjà vu torse nu ! D'ailleurs ma cheville en souffre encore.
- Quoi ?
- Oublies ça. Enlève-le, je veux juste nettoyer la plaie de ton torse.
Lewën ronchonna.
- Une princesse n'a pas à faire cela me lança-t-il en me regardant droit dans les yeux.
- Ça tombe bien, je n'en suis pas une.
- Tu...
Il ne termina pas sa phrase et ôta son tee-shirt. Quatre coupures, espacées d'à peine un centimètre, lui barraient la poitrine. On aurait dit de grandes griffures. Qu'est-ce qui avait bien pu lui faire ça ? Je les nettoyai et les désinfectai avant de mettre des compresses dessus pour les protéger.
Lewën me sourit et alors que j'allais me lever, il me rattrapa par la main et me fit me rasseoir.
- Merci Johanna.
- De rien. Tu as pris soin de moi ce matin, je pouvais bien faire ça pour toi ce soir.
Je fixai mon regard au sien. Tout en moi demandait à ce qu'il m'embrasse. Nos visages étaient si proches.
Voyant qu'il ne ce décidait pas, je pris les devants. Mais avant que nos lèvres ne se touchent, et que je n'ai vraiment le temps d'apprécier la douceur d'un baiser il s'écarta et me demanda de partir sur le champ sans me donner de raison.
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